
I) Introduction
La donation avec réserve d’usufruit d’un portefeuille de titres financiers constitue une opération en apparence simple, mais juridiquement complexe. Elle vise à transférer la nue-propriété des actifs à un donataire, tout en permettant au donateur de conserver le droit de percevoir les revenus (fruits civils) issus de ces placements pendant une durée déterminée, généralement sa vie.
Dans ce contexte, l’usufruit ne porte pas simplement sur un bien statique (tel qu’un immeuble), mais sur un ensemble dynamique de titres soumis à une gestion active.
Cela nécessite de traiter plusieurs questions de droit civil : définition de l’objet de l’usufruit, possibilité de son exercice sur un ensemble de biens fongibles et à composition variable, et mise en place d’un mécanisme « rotatif » et de « subrogation réelle » pour assurer la continuité des droits.
Le volet fiscal est en outre complexe et requiert une analyse juridique approfondie.
II) Considérations de droit civil sur l’usufruit d’un portefeuille de titres rotatif
De quoi parle-t-on ?
La donation est dite « avec réserve d’usufruit » quand seule la nue-propriété du bien est donnée, et que le donateur conserve l’usufruit du bien transmis.
Les prérogatives d’un propriétaire sont constituées de l’usage du bien (l’usus en latin), du pouvoir d’en disposer (l’abusus) qui permet notamment de le détruire, donner ou vendre et celui d’en recevoir les « fruits » (fructus) comme les loyers, les fermages, les récoltes.
Ces prérogatives peuvent être exercées par deux personnes différentes, notamment en cas de donation avec réserve d’usufruit.
On parle de démembrement de propriété :
– d’un côté l’usufruit, réservé à l’usufruitier qui a le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus ;
– et de l’autre, le nu-propriétaire qui a le droit de disposer du bien. S’il souhaite le vendre, il ne peut bien sûr céder que sa nue-propriété, sauf si l’usufruitier donne son accord à la vente du bien dans sa totalité.
La donation de la nue-propriété assortie d’une réserve d’usufruit au profit du donateur est un instrument couramment utilisé, notamment lorsqu’elle porte sur des biens que l’on peut considérer comme « figés », comme des immeubles ou les actions/parts sociales d’une société. En effet, dans tous ces cas, les biens concernés présentent une stabilité juridique : ils ne subissent pas de modification substantielle de leur nature pendant toute la durée de la dissociation entre la pleine propriété et l’usufruit.
La problématique est différente et bien plus complexe lorsque l’on parle d’un usufruit portant sur un portefeuille de titres, dont la composition des actifs financiers peut varier au fil du temps. Dans cette hypothèse, la volonté du donateur est de transférer la nue-propriété des titres, tout en conservant l’usufruit sur les actifs qui composent le portefeuille, même s’ils changent. Le portefeuille est généralement géré de manière dynamique par un professionnel comme un gestionnaire de fortune tel qu’Onyx & Cie SA ou une banque, selon un profil d’investissement et une grille d’allocation d’actifs donnés.
Ce montage permet au donateur, qui conserve l’usufruit, de percevoir les revenus du portefeuille (intérêts, coupons, dividendes, etc.) pendant toute la durée de l’usufruit, tout en anticipant la transmission du capital à ses héritiers, ces derniers détenant simplement la nue-propriété des titres du vivant de celui-ci. À la fin de l’usufruit, soit au décès du donateur, le portefeuille revient au nu-propriétaire, hors succession.
Nous analyserons la question du point de vue du droit italien, étant précisé que ce mécanisme existe dans d’autres juridictions comme en Suisse et en France.
La donation avec réserve d’usufruit en Italie
L’usufruit est régi en Italie par les articles 978 et suivants du Code civil italien. Comme indiqué ci-dessus, il constitue un droit réel de jouissance sur le bien d’autrui. Il confère à son titulaire la faculté d’user de la chose et d’en percevoir les fruits, sous réserve de respecter la destination économique du bien.
Lorsque l’usufruit est accordé à une personne physique, sa durée ne peut excéder la vie de celle-ci. Lorsqu’il est constitué au profit d’une personne morale, sa durée maximale est de trente ans (article 979 du Code civil italien).
Une fois l’usufruit éteint, le droit se réunit à la nue-propriété, laquelle redevient ainsi pleine propriété.
L’usufruit peut être constitué à titre onéreux, par donation ou encore par disposition testamentaire. Dans les actes entre vifs – qu’ils soient à titre onéreux ou gratuit –, l’usufruit peut non seulement être transféré ou constitué de manière autonome, mais également être réservé. Il est en effet loisible au vendeur ou au donateur de céder la nue-propriété d’un bien tout en se réservant l’usufruit, soit pour son propre bénéfice, soit pour celui d’un tiers.
S’agissant spécifiquement de la donation, l’article 796 du Code civil italien autorise “al donante di riservare l’usufrutto dei beni donati a proprio vantaggio, e dopo di lui a vantaggio di un’altra persona o anche di più persone, ma non successivamente” (« le donateur peut se réserver l’usufruit des biens donnés à son profit, puis, après lui, à celui d’une autre personne, voire de plusieurs, mais non successivement »).
Il s’agit alors d’une donation avec réserve d’usufruit, dont la nature juridique fait l’objet principalement de deux interprétations doctrinales en Italie.
La première, dite théorie du double acte, considère que les attributs de la propriété ne peuvent être divisés qu’au moyen de deux actes juridiques distincts : d’une part, une donation de la pleine propriété ; d’autre part, un acte ultérieur – en inversant les parties – par lequel l’usufruit est constitué au profit du donateur.
La doctrine majoritaire, pour sa part, adhère à la théorie de l’acte unique, selon laquelle le droit de propriété peut être valablement démembré. Cette approche permet, au moyen d’un seul et même acte, de réaliser simultanément la transmission de la nue-propriété et la constitution de l’usufruit.
Si la réserve d’usufruit est faite au profit d’un tiers, la théorie du double acte y voit un contrat au profit d’un tiers, le donataire s’engageant à constituer l’usufruit au bénéfice d’une personne déterminée. La théorie de l’acte unique reconnaît plutôt deux donations simultanées : l’une portant sur l’usufruit, l’autre sur la nue-propriété.
Un cas particulier est celui de la donation avec réserve d’usufruit au profit du donateur, puis, après lui, au profit d’un tiers. Dans cette hypothèse, la donation de l’usufruit en faveur du tiers est subordonnée à une condition suspensive – à savoir la survie du tiers au donateur – et à un terme initial, correspondant au décès de ce dernier. Il est toutefois exclu que cette réserve soit faite au profit des héritiers du donateur, car cela constituerait un pacte successoral prohibé, en ce qu’elle organiserait la transmission successorale à l’avance, en dehors du cadre légal.
La doctrine majoritaire considère ce type de donation comme une exception à l’interdiction de l’usufruit successif, prévue à l’article 698 du Code civil italien. Cette interdiction (article 796 du Code civil italien) vise à éviter que le droit de propriété ne soit démembré pendant une durée excessive. Toutefois, la doctrine actuelle estime que cette interdiction ne concerne que les actes à titre gratuit. Ainsi, dans les actes à titre onéreux, on parle plutôt d’usufruit successif « impropre », qui ne tombe pas sous le coup de l’interdiction.
Difficultés juridiques résultant de l’usufruit sur un portefeuille de valeurs mobilières en Italie
Le Code civil italien reconnaît explicitement certains usufruits portant sur un ensemble de biens (par exemple un troupeau ou un cheptel, auquel cas l’usufruitier est tenu de remplacer les animaux morts dans la limite du nombre des naissances, article 994), et la doctrine admet aujourd’hui la validité d’un usufruit portant sur un portefeuille de titres.
Toutefois, pour que cette opération atypique soit juridiquement valable, il est essentiel de déterminer précisément les éléments constitutifs du droit d’usufruit, en particulier :
- – les droits et prérogatives de l’usufruitier ;
- – la durée de l’usufruit ;
- – ainsi que les conditions et limites du pouvoir de disposition des actifs.
Ainsi, lorsque le portefeuille est administré de manière dynamique (achat, vente et réinvestissement des actifs financiers), il est impératif, pour délimiter la portée du droit d’usufruit, de réglementer précisément les pouvoirs d’investissement. Une telle réglementation visera à prévenir les conflits d’intérêts entre :
- – le nu-propriétaire, intéressé par la préservation et la valorisation du capital,
- – et l’usufruitier, soucieux de maximiser les revenus générés par les placements.
En tout état de cause, il convient de garder à l’esprit que les fruits civils (intérêts, coupons, dividendes, etc.) appartiennent de plein droit à l’usufruitier, conformément à l’article 820, dernier alinéa du Code civil italien, et sont acquis au jour le jour, pendant toute la durée du droit. En application de l’article 984 CC, une clause privant l’usufruitier de ces fruits ne serait pas admissible, car contraire à la nature même du droit d’usufruit, dont elle altérerait la substance.
Dès lors qu’il est admis que la dissociation entre nue-propriété et usufruit peut valablement porter sur un ensemble de biens et de rapports juridiques – tels que ceux regroupés au sein d’un portefeuille de titres –, à condition toutefois que cet ensemble présente une cohérence fonctionnelle, il convient de s’interroger sur la possibilité de garantir la continuité du droit d’usufruit, malgré la variabilité des éléments qui composent le portefeuille (les actifs sous-jacents).
Le caractère intrinsèquement évolutif d’un portefeuille de titres – dont la composition est sujette aux décisions de gestion de la banque ou du tiers gérant – soulève la question suivante : est-il juridiquement admissible de prévoir que l’usufruit et la nue-propriété se maintiennent, de manière continue, sur les biens successivement intégrés au portefeuille, sans devoir constituer un nouvel usufruit à chaque modification ?
À défaut d’une telle solution, chaque nouvel achat de titres lié au réemploi des sommes provenant de la vente d’actifs financiers impliquerait une reconstitution formelle du droit d’usufruit, ce qui contredirait les objectifs économiques et patrimoniaux attachés à la donation avec réserve d’usufruit sur le portefeuille.
Sans recourir aux règles spécifiques de l’usufruit sur le cheptel (l’art. 994 ci-dessus), le Code civil italien prévoit expressément la possibilité d’un transfert automatique de l’usufruit sur de nouveaux biens, au moyen d’un mécanisme dit de « rotation conventionnelle » (patto di rotatività).
L’article 1000 al. 2 CC dispose en effet que, “il capitale riscosso dev’essere investito in modo fruttifero e su di esso si trasferisce l’usufrutto. Se le parti non sono d’accordo sul modo d’investimento, provvede l’autorità giudiziaria” (« le capital perçu doit être réinvesti de manière productive, et l’usufruit se reporte sur ce nouveau placement. En cas de désaccord entre les parties sur les modalités d’investissement, il appartient à l’autorité judiciaire de trancher »).
En prescrivant que le capital perçu doit être réinvesti et, surtout, en prévoyant expressément le transfert automatique de l’usufruit sur le nouvel investissement, le législateur a ainsi reconnu une certaine forme de rotation de l’usufruit.
De même, l’article 2561 CC, relatif à l’usufruit d’entreprise, confirme que le droit d’usufruit peut légitimement porter sur un ensemble de biens à composition variable, dès lors qu’il forme un tout fonctionnel.
Il ressort de ce qui précède que rien ne s’oppose à ce que le donateur, se réservant l’usufruit d’un portefeuille, insère dans son acte de donation une clause de rotation, permettant aux droits réels de se maintenir dans le temps, indépendamment de l’évolution des titres sous-jacents. Le « patto di rotatività » est d’ailleurs expressément consacré par la jurisprudence en matière de contrats de gage.
Toutefois, contrairement à ce qui est prévu pour l’usufruit d’entreprise ou la donation d’une universalité de biens avec réserve de jouissance et de la possession (art. 771 al. 2 CC), il n’existe pas de renouvellement implicite ou « naturel » de l’usufruit applicable aux titres financiers. La validité d’un tel mécanisme suppose donc une stipulation expresse dans l’acte de donation.
Cette clause peut prévoir que les titres figurant au portefeuille puissent être remplacés, à l’initiative du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, et que l’usufruit se reporte automatiquement sur les titres substitués, sans qu’il soit nécessaire d’accomplir des formalités supplémentaires.
Il est en outre conseillé que le pouvoir de disposition reste entre les mains du nu-propriétaire, en tant que détenteur du capital. Cependant, rien n’empêche les parties — usufruitier et nu-propriétaire — de mandater conjointement un professionnel pour gérer de manière continue les investissements, assurant ainsi la sécurité juridique du mécanisme de subrogation réelle sur les titres nouvellement acquis.
L’inapplicabilité des règles sur le quasi-usufruit
Le quasi-usufruit en Italie est une notion juridique qui, bien qu’elle ne soit pas expressément nommée comme telle dans le Code civil italien, trouve son fondement dans les principes généraux de l’usufruit prévus par le droit civil. Cette institution concerne des biens qui, par leur nature, ne peuvent pas être utilisés sans être consommés (comme de l’argent ou des denrées alimentaires).
L’article 995 du CC prévoit que :
“Se l’usufrutto comprende cose consumabili, l’usufruttuario ha diritto di servirsene e ha l’obbligo di pagarne il valore al termine dell’usufrutto secondo la stima convenuta.
Mancando la stima, è in facoltà dell’usufruttuario di pagare le cose secondo il valore che hanno al tempo in cui finisce l’usufrutto o di restituirne altre in eguale qualità e quantità.”
Ainsi, lorsque l’usufruit porte sur des choses consomptibles (appelées « beni consumabili »), l’usufruitier peut en disposer comme s’il en était le propriétaire, mais il est tenu de restituer à la fin de l’usufruit la même quantité et qualité de choses, ou, à défaut, leur valeur. Cela correspond à ce que la doctrine et la pratique appellent le « quasi-usufruit », à l’image de ce que l’on retrouve en droit français. Ainsi, même si le terme n’est pas explicitement utilisé dans la loi italienne, le mécanisme juridique est bien reconnu et appliqué.
Cette figure juridique est donc principalement utilisée lorsque l’usufruit porte sur de l’argent ou d’autres biens fongibles. Le quasi-usufruitier en Italie, dans ce contexte, acquiert la possession et l’usage des biens comme un propriétaire, avec l’obligation non pas de restituer les mêmes biens, mais leur équivalent en nature ou en valeur. Cela le distingue d’un usufruitier classique, qui, pour des biens non consomptibles, doit restituer la chose elle-même.
à la lecture de ce qui précède, on constate des différences fondamentales entre l’institution du quasi-usufruit et le « patto di rotatività ». La distinction principale réside dans les obligations de restitution au terme de l’usufruit. Ainsi :
- – en cas de quasi-usufruit, l’usufruitier est tenu de restituer soit un nombre équivalent de titres de même nature, soit leur valeur en numéraire à la date d’extinction du droit ;
- – dans le cas de l’usufruit rotatif, l’usufruitier (ou ses héritiers) doit restituer les titres présents dans le portefeuille au moment de la cessation du droit, lesquels seront, en règle générale, de nature différente de ceux initialement donnés en usufruit. Par ailleurs, l’usufruitier ne saurait s’acquitter de cette obligation en versant une somme d’argent équivalente, au risque de priver l’opération de sa logique économique et juridique.
La seconde différence tient au statut des biens substitués :
- – dans le quasi-usufruit, l’usufruitier devient propriétaire des biens donnés en jouissance et de ceux qu’il acquiert en remplacement ;
- – dans le cadre d’un usufruit rotatif, les titres acquis en réemploi restent la propriété du nu-propriétaire, l’usufruit s’étendant automatiquement à ces nouveaux biens, par effet de la subrogation réelle.
Il ressort de ce qui précède que l’acte de donation doit expressément exclure le quasi-usufruit, au risque sinon que l’usufruitier acquiert la propriété des titres du portefeuille.
La détermination des biens composant le portefeuille et la forme de l’acte de donation
Une fois admise, d’une part, la validité d’un usufruit portant sur un portefeuille de titres et, d’autre part, la légitimité du mécanisme de rotation, il convient d’examiner deux autres conditions essentielles à la sécurité juridique de l’opération, à savoir l’identification précise des biens objet de la donation et la forme du contrat.
L’article 782 CC prévoit que :
« La donation doit être établie par acte authentique, à peine de nullité.
Lorsqu’elle porte sur des biens meubles, elle n’est valable que pour ceux qui sont spécifiquement désignés avec indication de leur valeur, soit dans l’acte même de donation, soit dans une annexe séparée, signée par le donateur, le donataire et le notaire.
L’acceptation peut intervenir dans le même acte ou par acte authentique postérieur. Dans ce dernier cas, la donation ne produit effet qu’à compter de la notification de l’acceptation au donateur.
Tant que la donation n’a pas été ainsi parfaitement formée, le donateur comme le donataire peuvent révoquer leur déclaration respective. »
Il ressort de ce qui précède qu’en pratique, il convient d’annexer à l’acte de donation par devant notaire, un état de fortune complet fourni par la banque dépositaire, contenant la liste des titres, accompagnée de leurs codes ISIN ou d’autres identifiants univoques, ainsi que le montant des liquidités associées, le tout actualisé à une date aussi proche que possible de la donation. Cette démarche permet également de sécuriser la fiscalité de l’opération.
En revanche, s’agissant des mouvements de titre postérieurs à la donation, aucune démarche particulière n’est à effectuer dans la mesure où le mécanisme de rotation et de subrogation réelle assure la continuité juridique du démembrement de la propriété.
Considérations pratiques de la réserve d’usufruit d’un portefeuille de titres
En considération de tout ce qui a été exposé ci-dessus, l’acte de donation avec réserve d’usufruit, passé devant notaire, devrait contenir les éléments suivants :
1) Il convient d’exposer de manière préliminaire le but visé par l’opération et notamment la fonction économique du portefeuille (composé de titres et de liquidités) ainsi que sa vocation à se maintenir dans le temps durant l’usufruit, notamment grâce au mécanisme de rotation des actifs.
2) L’acte devra mentionner la valeur globale du portefeuille ainsi que, de manière précise, les valeurs mobilières qui le composent, en indiquant pour chacune d’elles leur code ISIN ou tout autre identifiant univoque, sur la base de l’état de fortune fourni par la banque. Les données n’ont pas besoin d’être arrêtées au jour exact de l’acte, mais il est recommandé d’adopter une date proche, pour répondre aux exigences fiscales et formelles.
3) L’acte devra définir précisément ce que l’on entend par « capital » (revenant au nu-propriétaire) et par « fruits » (revenant à l’usufruitier).
Le capital inclut généralement tous les titres et instruments financiers présents ou futurs dans le portefeuille.
Les fruits comprennent notamment :
- – les intérêts et coupons ;
- – les dividendes ;
- – les revenus issus d’organismes de placements collectifs (OPCVM, SICAV, etc.).
Seront en revanche exclus de l’usufruit, les produits des ventes (gains en capital), conservés jusqu’à leur réemploi sous forme de nouveaux titres, sur lesquels s’appliqueront l’usufruit par subrogation réelle.
4) L’acte devra comporter une clause expresse de rotation, rédigée comme suit ou dans un sens équivalent :
“donante (riservatario dell’usufrutto) e donatario (nudo proprietario) convengono che per tutta la durata dell’usufrutto esso si configuri quale usufrutto rotativo di modo che lo stesso, costituito sul portafoglio ed attualmente sui titoli ivi contenuti, prosegua, senza soluzione di continuità e senza bisogno di ulteriori manifestazioni di volontà e senza novazione sui differenti valori e titoli che comporranno, tempo per tempo il portafoglio di modo che venga costantemente attuata la c.d. surrogazione reale”;
« Le donateur (réservataire de l’usufruit) et le donataire (nu-propriétaire) conviennent qu’au cours de toute la durée de l’usufruit, celui-ci revêtira un caractère rotatif, de telle sorte que, constitué sur le portefeuille et sur les titres qui y sont actuellement inscrits, il se poursuive sans interruption, sans nécessité de nouvelles manifestations de volonté et sans novation, sur les différentes valeurs et titres composant, à tout moment, le portefeuille, assurant ainsi de manière constante l’effet de la subrogation réelle. »
5) Afin d’écarter toute assimilation au régime du quasi-usufruit, il conviendra d’exclure expressément l’extension de l’usufruit aux sommes issues de la vente des titres et d’interdire à l’usufruitier tout prélèvement sur ces sommes, qui demeureront en suspens jusqu’à leur réinvestissement, auquel s’étendra automatiquement l’usufruit.
6) L’acte précisera que l’usufruitier est dispensé d’établir un inventaire et de fournir une caution (art. 1002 CC), en considération du mandat donné à un gérant externe ou une banque, dont le mandat est par nature évolutif.
7) En raison de la nature incertaine et évolutive du portefeuille, l’usufruitier renoncera expressément à toute indemnité pour les améliorations apportées aux biens (article 983 al. 2 CC) et la répartition des bénéfices convenue entre le nu-propriétaire et l’usufruitier sera considérée comme pleinement substitutive de toute indemnité qui pourrait éventuellement être due au titre des articles 985 et suivants du Code civil.
8) Enfin, il est recommandé de prévoir une clause régissant la gestion des actifs, afin de concilier les intérêts du nu-propriétaire, soucieux de la conservation du capital et des potentiels gains, et ceux de l’usufruitier, attaché à la perception de revenus. Cette clause peut notamment fixer une orientation de gestion, par exemple prudente, équilibrée, ou dynamique, définir une allocation d’actifs, encadrer le niveau de risque accepté, et prévoir les modalités d’intervention d’un gestionnaire professionnel. Elle vise ainsi à prévenir les conflits d’intérêts, assurer la transparence dans l’administration du portefeuille et garantir la pérennité de la structure juridique mise en place sans litige.
III) L’imposition de l’usufruit d’un portefeuille de titres rotatif en Italie
L’imposition des gains en capitaux
L’usufruit rotatif portant sur un portefeuille d’instruments financiers a fait l’objet d’une décision majeure de la part de l’Agenzia delle Entrate (administration fiscale italienne), à l’occasion d’une réponse à rescrit (risposta all’interpello n. 384 del 17 settembre 2019).
La question soumise concernait une contribuable résidant fiscalement en Italie, dont le père, domicilié en Suisse, était décédé en 2018, laissant une succession comprenant un patrimoine financier composé d’actions et d’obligations, déposées auprès d’un intermédiaire financier suisse.
Le défunt avait prévu que ce portefeuille financier serait transmis en nue-propriété à ses trois filles, dont la requérante, et en usufruit à sa seconde épouse.
Un usufruit rotatif avait été constitué sur le portefeuille. Le dispositif mis en place prévoyait notamment l’ouverture d’un compte courant auprès d’une banque suisse, au nom des trois filles (nues-propriétaires), et d’un sous-compte au nom de l’usufruitière, destiné à percevoir les intérêts, dividendes et autres revenus générés par les titres.
La requérante indiquait que les plus-values (gains en capital) issues des cessions d’instruments financiers seraient automatiquement réinvesties dans de nouveaux actifs (actions, obligations, parts de fonds). En vertu du mécanisme d’usufruit rotatif, les produits financiers générés par ces nouveaux investissements seraient versés directement sur le sous-compte de l’usufruitière.
À l’extinction de l’usufruit, l’usufruitière aurait l’obligation de restituer la pleine propriété des actifs à leurs titulaires en nue-propriété, sur la base de leur valeur de marché à cette date.
Enfin, la requérante, seule héritière résidente en Italie, précisait qu’elle n’était soumise à aucune obligation fiscale en Suisse pour ce patrimoine mobilier, et sollicitait de l’administration fiscale italienne une clarification concernant les obligations fiscales en Italie, liées à la détention en nue-propriété de ce portefeuille financier étranger.
Dans sa réponse, l’Agenzia delle Entrate valide, pour la première fois, l’institution de l’usufruit rotatif sur portefeuille, une pratique dont le régime juridique et fiscal soulevait jusqu’alors de nombreuses incertitudes.
En effet, jusqu’à récemment, aucune confirmation officielle n’avait été donnée par les autorités quant à la possibilité de constituer un usufruit sur un portefeuille de titres financiers. Comme relevé ci-dessus, la difficulté résidait dans le fait que l’usufruit s’éteint lorsque les titres sont cédés. En cas de réinvestissement du produit financier dans un nouvel instrument, un acte supplémentaire paraissait nécessaire pour rétablir l’usufruit.
Le pacte de rotation permet de contourner cette difficulté, en transférant systématiquement l’usufruit des titres vendus vers ceux achetés, sans qu’aucune formalité supplémentaire ne soit requise. La position de l’Agenzia delle Entrate valide ainsi formellement cet instrument juridique, reconnaissant que l’usufruit rotatif doit être assimilé à un usufruit portant sur une universalité de biens mobiliers, et que la clause de rotation constitue, dès l’origine, une substitution totale ou partielle des biens faisant l’objet du droit.
L’Agenzia delle Entrate se concentre ensuite sur la réglementation fiscale applicable aux revenus de nature financière, notamment s’agissant de l’imposition des plus-values réalisées par la cession à titre onéreux des actifs financiers (articles 67 et 68 du Testo Unico delle Imposte sui Redditi (TUIR)).
L’administration fiscale rappelle qu’en vertu des dispositions susmentionnées, une plus-value est considérée comme réalisée lorsque les titres sont cédés à titre onéreux, indépendamment de l’utilisation du produit de la vente, et donc même si ce produit est réinvesti dans l’achat d’autres instruments financiers.
La valeur de l’usufruit doit être déterminée en appliquant au montant du titre, le coefficient prévu par le décret du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) du 19 décembre 2018, en fonction de l’âge de la personne au décès de laquelle le droit d’usufruit s’éteint (circulaire n° 165/1998). La valeur de l’usufruit doit donc être soustraite de la valeur de la pleine propriété pour obtenir la valeur de la nue-propriété.
Par conséquent, pour déterminer l’imposition de la plus-value issue de la cession à titre onéreux d’un titre grevé d’usufruit, le produit de la vente doit être réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire, en fonction de la valeur respective de leurs droits à la date de la cession.
Dans le cas objet de l’interpellation, la requérante devra donc déterminer la plus-value réalisée, même si elle n’est pas perçue car réinvestie, soumise à imposition comme suit :
- – pour les titres reçus par héritage, elle constituera la différence entre le produit de la cession et le coût fiscal déterminé au moment de la succession, selon les modalités mentionnées précédemment ;
- – pour les titres acquis ultérieurement, elle correspondra à la différence entre le produit de la cession et le prix d’achat du titre, déterminé en appliquant les coefficients susmentionnés.
En ce qui concerne ensuite les obligations de déclaration fiscale et le paiement de l’impôt sur les actifs financiers détenus à l’étranger (IVAFE), l’Agenzia delle Entrate précise que :
- – tant le nu-propriétaire que l’usufruitier sont tenus de remplir le cadre RW du modèle « Redditi Persone Fisiche », car tous deux sont susceptibles de générer des revenus imposables en Italie (résolution n° 142/2010) ;
- – en tant que résidente détenant des actifs financiers à l’étranger, au titre de propriété ou de tout autre droit réel, la requérante sera redevable de l’IVAFE (comme l’indique la circulaire n° 28/2012).
En résumé, les plus-values engendrées par la cession d’actifs financiers sont considérées comme réalisées, dans le cas d’une cession à titre onéreux, indépendamment de l’utilisation du produit de la vente, et donc même si celui-ci est réinvesti dans l’achat d’autres instruments financiers.
Le coût fiscal du titre doit ainsi être réparti entre le nu-propriétaire et l’usufruitier selon la valeur de l’usufruit déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier, sur la base des coefficients utilisés pour les droits d’enregistrement (art. 46 et 48 du TUIR), à la date d’acquisition (lien pour les coefficients 2025). Le prix de cession, quant à lui, doit être réparti selon la valeur de l’usufruit au moment de la vente.
Toutefois, cette solution pose une difficulté ; en effet, puisque la valeur de l’usufruit décroît avec le temps (car l’espérance de vie de l’usufruitier diminue), un décalage apparaît au niveau de la répartition de la plus-value, situation qui, avec le temps, peut avantager l’usufruitier au détriment du nu-propriétaire.
Nous expliquons la problématique avec l’aide d’un exemple :
Situation de départ au jour de la donation/succession
- ♦ Valeur initiale du portefeuille de titres : 100 000 €;
- ♦ Âge de l’usufruitier : 68 ans ;
- ♦ Valeur de l’usufruit : 12 000 € (12 %) ;
- ♦ Valeur de la nue-propriété : 88 000 € (88 %).
Ces valeurs fiscales d’origine sont utilisées pour déterminer le coût d’acquisition respectif de chacun.
Situation lors de la vente du portefeuille
- ♦ Valeur du portefeuille des titres 4 ans plus tard : 110 000 € ;
- ♦ Âge de l’usufruitier : 72 ans ;
- ♦ Avec l’âge, la valeur de l’usufruit a baissé. Admettons qu’à 72 ans, le coefficient donne une valeur d’usufruit à 9 % de la pleine propriété ;
- ♦ Usufruitier : 110 000 × 9 % = 9 900 € ;
- ♦ Nu-propriétaire : 110 000 × 91 % = 100 100 €.
Calcul des plus-values
Usufruitier :
- – Coût d’acquisition = 12 000 € ;
- – Prix de cession = 9 900 € ;
- ⇒ Résultat : perte fiscale (moins-value) de 2 100 €.
Nu-propriétaire :
- – Coût d’acquisition = 88 000 € ;
- – Prix de cession = 100 100 € ;
- ⇒ Résultat : gain fiscal (plus-value) de 12 100 €.
On constate que le portefeuille de titres n’a augmenté que de 10 000 €, mais que la plus-value fiscale totale du nu-propriétaire est de 12 100 €. Cela s’explique par le fait que la valeur de l’usufruit a baissé avec le temps.
En d’autres termes :
- – L’usufruitier perd en valeur fiscale,
- – Le nu-propriétaire gagne plus qu’il ne devrait en valeur fiscale.
La répartition de la plus-value ne suit ainsi pas exactement la réalité économique, mais un principe légal basé sur des coefficients fixes. Le nu-propriétaire est imposé sur une plus-value qu’il n’a pas réellement réalisée et devra payer un impôt sur celle-ci, sans avoir gagné d’argent. Il ne pourra en outre pas compenser ce gain avec la perte de l’usufruitier, car les deux contribuables sont distincts.
Enfin, au décès de l’usufruitier, la pleine propriété se reconstitue sans imposition supplémentaire. Cela vient toutefois aggraver la situation du nu-propriétaire, celui-ci ne bénéficie pas d’un ajustement du prix d’acquisition à la valeur de marché (mécanisme du « step-up »). Autrement dit, le coût fiscal des titres détenus par l’usufruitier n’est pas transmis au nouveau plein propriétaire et est, de fait, perdu, ce qui peut entraîner une plus-value imposable entre les mains du nu-propriétaire en cas de vente ultérieure.
L’imposition des autres revenus
Les revenus du portefeuille – typiquement les dividendes, les intérêts et les coupons – perçus par l’usufruitier dans le cadre d’un usufruit rotatif sont soumis en Italie à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPEF) entre les mains de ce dernier.
Les taux d’imposition progressifs en Italie sont les suivants :
- – 23 % pour les revenus jusqu’à 28 000 € ;
- – 35 % pour les revenus entre 28 000 € et 50 000 € ;
- – 43 % pour les revenus supérieurs à 50 000 €.
Par ailleurs, une retenue à la source de 26 % s’applique généralement aux revenus de capitaux mobiliers, tels que les dividendes et les intérêts.
Il convient de noter que ces règles fiscales peuvent être modulées par des régimes fiscaux spécifiques. Par exemple, les nouveaux résidents fiscaux en Italie peuvent opter pour un régime forfaitaire, s’acquittant d’un impôt annuel fixe de 100 000 € sur leurs revenus étrangers, indépendamment de leur montant. De même, les retraités étrangers s’installant dans certaines régions du sud de l’Italie peuvent bénéficier d’une imposition réduite à 7 % sur leurs revenus étrangers.
L’imposition de la donation elle-même
Lorsque le donateur transfère la nue-propriété du portefeuille de titres tout en se réservant l’usufruit, l’impôt sur les donations est calculé en Italie sur la valeur de la nue-propriété, déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment de la donation, à l’instar du calcul pour les gains en capitaux (voir ci-dessus).
Les taux d’imposition varient selon le lien de parenté entre le donateur et le donataire :
- – 4 % pour les transmissions en ligne directe (enfants, petits-enfants), avec un abattement de 1 000 000 € par bénéficiaire ;
- – 6 % pour les frères et sœurs, avec un abattement de 100 000 €;
- – 6 % pour les autres parents jusqu’au quatrième degré, sans abattement ;
- – 8 % pour les autres personnes, sans abattement.